Tuesday, September 8, 2009

Ces looks qui passent les murailles

30.08.09
LE MONDE CHRONIQUES


On est toujours très mode à Jérusalem (oserait-on écrire “Jéru”?). Tout est dans le paraître. Il est captivant de constater combien une ville si centrée sur la finalité de l’être, de l’âme, de l’essence humaine et divine s’égare ou même s’abîme dans l’habillage, le maquillage et un look qui cachent trop bien ce que l’on ne saurait voir pour mieux le deviner, le rechercher et surtout ces derniers temps, se tromper gravement.

Tout d’abord, il y a les couvre-chefs. Il est préférable de se concentrer sur quelques exemples pratiques. Il est vrai que, vu le climat, il vaut mieux sortir couvert. Soyons simples : les Juifs portent des calottes ou kippot ou encore yarmulkes (terme turco-yiddish). Une kippa peut être ronde, plus ou moins carrée (version boukhare-ouzbek), petite, grande. Cette année, la tendance est aux grandes kippot de grosse laine qui enserrent une grande partie de la tête. Certaines femmes portent aussi ce genre de coiffes; cette vogue semble faire très “égalité hommes-femmes” (ou vice versa; chez nous on lit de droite à gauche). La fabrication des kippot vient de passer en tête des productions textiles des femmes palestiniennes depuis la chute des réseaux chinois…

Il y a les shtreimels faits de queues de visons, les Stetson et autres. Ces deux chapeaux se portent au-dessus de la kippa. Le shtreimel est d’origine polonaise - la noblesse portait fourrure : les Enfants de Dieu se doivent de faire de même. Le Stetson est évidemment moderne et ne se trouve pas dans les Ecritures.

Les femmes portent des voiles très seyants qui laissent entrevoir le haut de leur chevelure. Les femmes pieuses chrétiennes orthodoxes (russes, roumaines) s’empressent de tout recouvrir. Juives et chrétiennes aiment les longues jupes noires serrées. Il y a des version Jean’s très “chromatiques”. Les religieuses catholiques préfèrent la coupe neutre.

Entre chrétiens, on se repère au chapeau : cylindrique chez les Grecs (proche de celui du grand-prêtre dans le Temple), Plutôt losange pour le clergé russe. Deux fentes latérales pour les Roumains. Les Ethiopiens sont en galabiah arabe avec poches et porte un plaid, le clergé grec en soutane, les latins - ça dépend et il y a surtout les robes de bure (Franciscains) tandis que les vardapets (prêtres arméniens) ont une longue coiffe moirée noire en pointe. Les moines syro-orthodoxes et coptes ont un voile noir orné de 12 croix (les Apôtres); une 13ème derrière la tête représente le Christ. Le col romain sur chemise claire est très prisé, mais les catholiques préfèrent souvent l’anonymat. Les évêques anglicans portent chemise rose.

Les femmes raffolent des cheveux frisés style “brebis du désert biblique néo-prophétiques”, ou bien tendance red, voire le crâne rasé. La mode est de saisir la chevelure, de faire et défaire les chignons, en haut, en bas, puis accessoirement de cacher le tout sous une perruque pour cause de mariage. Encore faut-il avoir de la piété. Les moines orientaux ont les mêmes tics : cheveux longs à la manière “messie” et ces mêmes chouchous qui permettent de faire et défaire d’amples chevelures longeant des barbes souvent longues et touffues. Les visages glabres ne sont pas orientaux. En Occident, on coupe les cheveux en quatre et plus… Ici aussi, mais dans l’autre sens ! Têtes et visages sont des “champs”. Les papillottes (peyses\פיות-פיותות en yiddish) sont très longues et bouclées. Alors on moissonne régulièrement ou jamais.

En hébreu: “beged\בגד = vêtement” est un terme courant. Bien que la racine ne soit pas confirmée comme étant commune, ce mot est très proche de “begidah\בגידה = duperie, déguisement, trahison”. Dans une ville comme Jérusalem, que signifie “l’habit ne fait pas le moine”?

L’habit exprime viscéralement une identité. Cette identité, en Israël et dans les Territoires comme dans le Proche-Orient est avant tout une référence claire et normalement précise à la religion, et, secondairement, à la nationalité, sûrement pas la citoyenneté.

Les hijabs (et quelques burqas) très fashion actuels s’accommodent de la modernité de Jean’s à fleurs. Lors des vagues d’attentats, on a trouvé plus d’habits juifs (y compris des châles de prière) chez les assaillant(e)s que des soutanes ou des vêtement arabes. Curieusement, les repères vestimentaires ne signifient pas grand chose pour une génération qui vit en repli et tend à ignorer les “autres”. Ceux qui gardent leurs signes distinctifs se cloîtrent souvent dans une frilosité exclusive.

Le judaïsme affirme: “Sache devant Qui (= Dieu) tu te trouves”. On commence par croiser des êtres humains et il est important qu’une société se connaisse pour se reconnaître. Lorsque Jésus est moqué par les gardes, ceux-ci tirent au sort sa tunique (Jean 19,23). Elle ne sera pas déchirée et les croyants y voient un signe d’unité. Dieu ne se laisse pas fragmenter ou dépouiller dans Sa dimension divine.

Tout le combat consiste alors à se débarrasser de ses oripeaux et donner au paraître la force d’exprimer ce qui est et existe vraiment.

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