Tuesday, September 8, 2009

Sagesse et patience

07.09.09



La société israélienne passe régulièrement par des sortes de “douleurs de l’enfantement”. Il est vrai qu’à force de faire des bébés tout le temps, la société peut finir par ressentir des contractions sociales sensibles. Cette situation est normale, ce qui reste une énigme à l’étranger. Chez nous, il ne faut jamais s’inquiéter comme me répète ma “coach en société israélienne” de 26 ans qui revient de son voyage de noces en Italie où la petite famille a trouvé les paysages splendides, mais les gens franchement nerveux. “Av, al-tidag\אב, אל-תדאג = surtout ne t’inquiète de rien”, affirme avec aplomb cette jeunesse qui servit comme analyste psychologue dans l’armée.

Ce n’est pas toujours évident in situ: on est allé chercher des Ethiopiens, les voilà citoyens et, en ce moment, ça swingue très fort : à Petah Tiqwah, Les écoles religieuses plutôt ashkénazes refusent les écoliers car ces Ethiopiens ne sont pas “totalement juifs” selon la Halakhah/Loi juive. Restons calmes, ça va passer, et c’est vrai. Soudain, un haut responsable druze est directement attaqué avec une forme de racisme qui inquiète les médias et les spécialistes locaux. Ce n’est pas comme chez vous du tout. Le regard porté sur le Proche-Orient et Israël conduit souvent à un jugement pessimiste et négatif par définition. Le mot “racisme” a une pigmentation aggressive par définition. Ici, c’est différent : l’identité de chacun est déterminée par des critères existentiels qui peuvent facilement déraper, par leurs références apparemment “génétiques”, vers des exclusions racistes. Le temps de comprendre que Dieu est bien au-delà de tout génome.

C’est pourquoi il faut souligner que la Terre de Canaan fut toujours une région d’extrême tolérance. En 7000 ans, elle a accueilli des gens de “toutes races, langues, peuples et nations”. Il faut sans doute y voir une vocation à l’universel humain, la plénitude de la reconnaissance de l’autre. Mais, dans des moments-charnières il y a des contractions. La société israélienne tente d’expliquer aux citoyens qu’il y va de la décence civique. Elle repose sur des principes de foi et de droit. C’est peu compris. Cela ne ne s’apprend, pas dans les livres, ça se vit.

Au seuil de cette année 5770, les propos d’Albert Einstein peuvent être médités en profondeur. En 1938, il émit de grandes réserves sur la création d’un Etat juif. Il évoqua les formes étroites de nationalismes qui ont historiquement miné les propres rangs du judaïsme en l’absence de tout Etat. En revanche, il affirma que si des circonstances particulières contraignaient les Juifs à accepter ce fardeau, encore faudrait-il le faire “avec patience (tact) et sagesse”. Khokhma vesavlanut (Sagesse et patience) est sans conteste la devise et le slogan national d’Israël.

Le mois de Ellul est un temps de retournement spirituel. Les prières de Selihot\סליחות expriment cette dimension. Comme d’ailleurs, dans le même temps, les prières du Ramadan.

Le judaïsme se prépare à célébrer l’anniversaire de la création du monde. Avant la création, Dieu avait beaucoup réfléchi et pris l’avis de Son Conseil où siégeait en particulier la Teshuva\תשובה = la Pénitence ou Réponse à Dieu (Nedarim 39b/Pessahim 54a). Il faut dissiper un malentendu. La pénitence ne consiste pas à se tordre les os et l’esprit pour s’accuser avec moulte culpabilité réelle ou feinte de trangressions, de fautes dramatiques ; ni à se composer un look de propreté bon marché. A cet égard, tout clergé a tendance à exiger une humilité que lui-même peine à incarner.

Il y a une blague juive : deux ennemis se rencontrent dans leur synagogue au jour de Yom Kippour/Grand Pardon. Le premier s’avance vers son ennemi de toujours et lui dit: “Je te souhaite tout le bien que toi-même me souhaiteras”. L’autre lui répond: “Ne recommence pas maintenant, veux-tu!” - La Réponse à Dieu consiste à pivoter parce que “shuv\שוב = à nouveau” indique un pivotement sur nous-mêmes. Le grec metanoïa indique un retournement de la conscience.

Il est normalement prévu pour tous les travailleurs de faire un bilan de santé annuel. Ellul, les prière de pardon/Selihot, le Nouvel An et les 10 jours de Teshuva avant Kippour permettent une rencontre franche et ouverte avec autrui et donc avec Dieu. Il ne s’agit d’impressionner personne, ni Dieu d’ailleurs, mais mettre en perspective notre raison d’exister. Il faut du temps pour conjurer l’orgueil et les haines tenaces.

Le judaïsme orthodoxe américain a suggéré d’instaurer un National Apology Day, une jour de demande de pardon qui viserait aussi une démarche des non-Juifs. L’Orthodoxie chrétienne conserve le magnifique office de demande de pardon : chacun se met à genoux et demande pardon au début du Grand Carême qui mène à la Pâque.

Il y a un aspect très dynamisant à pareille attitude. Il ne s’agit pas seulement de demander pardon, mais aussi de prendre conscience des bonnes actions ou mitzvot (ou commandements positifs de l’Eglise en comparaison). Tout n’est pas noir. Il est utile de repérer les points positifs d’une année.

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